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vendredi 25 octobre 2013

Les contes de la lune vague après la pluie



1953

Titre original : Ugetsu monogatari
Alias: Les contes de la lune vague après la pluie
Alias: Ugetsu
Alias: 雨月物語

Cinéaste:Kenji Mizoguchi
Comédiens:Machiko Kyô - Mitsuko Mito - Kinuyo Tanaka - Masayuki Mori - Eitarô Ozawa

Notice SC
Notice Imdb

Vu en dvd



Après une assez longue pause ciné où les séries se sont enchaînées presque sans arrêt, j'avais un besoin de vieille pellicule. L'idée d'un Mizoguchi s'est avérée très bonne. Cela faisait trop longtemps que je n'avais goûté au maître.

Ces contes moraux ressemblent tellement à ce que j'ai déjà vu de Mizoguchi que j'ai eu ce plaisir charmant qu'on éprouve lors de retrouvailles : on est à la fois rassuré et ravi de goûter à nouveau à quelques saveurs qu'on craignait disparues car trop évanescentes, trop fragiles peut-être. Non, Kenji Mizoguchi fait encore la part belle aux femmes. Ici de nouveau, elles subissent la fragilité des hommes.

Que ce soit celui qui succombe au charme de la sensualité aristocratique et de la flagornerie, ou bien celui qui reste aveuglé par une ambition mégalomane et tout aussi vaine de ses gloires militaires que la brillance des armures et des lances semblent projeter avec une force implacable sur les médiocres âmes, tous ces hommes ont la fâcheuse faiblesse d'oublier leurs épouses qu'ils abandonnent à leur sort qu'un Japon en guerre rend encore plus triste.

Kenji Mizoguchi aborde ce thème récurrent chez lui avec des contes moraux mêlant l'Histoire du pays et sa tradition fantastique. Quand la légende édificatrice accompagne en un doux parallèle le cours de l'histoire, d'un passé réel, le cinéaste se rend maître de son récit avec une admirable facilité dans l'écriture comme dans le montage.

On retrouve également son aptitude à magnifier sa narration par une mise en image somptueuse. Entre le travail effectué sur les ombres dans les scènes de nuit, en quasi clairs-obscurs saisissants parfois, et la picturalité époustouflante de certains cadrages en pleine nature, on ne louera jamais assez la collaboration entre Kenji Mizoguchi et son chef opérateur Kazuo Miyagawa. Le film recèle son lot de petits cadeaux visuels.

Entre le fond et la forme, les contes de la lune vague après la pluie sont d'une poésie ineffaçable. Moi et ma mémoire d’amibe sous Xanax, je crois bien que je me souviendrai longtemps de cette femme et son enfant faisant leurs adieux à l'époux/papa sur le bord d'un lac.

Bien sûr, le propos du film est comme toujours très appuyé. Le conte se veut volontiers mélodramatique. Je me rappelle avoir été perturbé par cette accumulation d'emmerdes qui tombent sur les personnages lorsque j'ai vu pour la première fois un film de Mizoguchi. Il faut accepter ce préalable, comme on le fait pour une fable afin d'apprécier la construction narrative et proprement cinématographique que nous propose ce grand cinéaste.

Trombi:
Machiko Kyô:
Mitsuko Mito: (droite-right)

Fumihiko Yokoyama - Kinuyo Tanaka:

 Masayuki Mori:

Eitarô Ozawa:

Ichirô Amano:

mardi 27 mars 2012

La vie d'O'Haru femme galante



1952

Titre original : Saikaku ichidai onna
Alias: La vie d'O'Haru femme galante
Alias: Diary of Oharu


Cinéaste:Kenji Mizoguchi
Comédiens:
Kinuyo Tanaka -Toshirô Mifune -Tsukie Matsuura -Ichirô Sugai


Notice Imdb
Vu en dvd

Foutre dieu, cela faisait belle lurette que je n'avais posé l'œil sur un Mizoguchi! Ayant un méchant souvenir d'un film d'époque du cinéaste avec "L'intendant Sansho", j'ai eu un mouvement de recul quand ma femme a choisi cet autre film prenant cadre une époque ancienne du Japon. On doit être avant l'époque Meiji et Mizoguchi prend possession d'une période obscure pour souligner -une fois de plus avec une remarquable finesse- la condition de la femme.

Je craignais le trait lourd. A mon avis -et je sais que beaucoup vont bondir, puis me maudire- Kenji Mizoguchi est parfois prompt à forcer un peu sur le trait, sans pour autant atteindre à la caricature, mais en sur-dramatisant un brin. Or, ici, je n'ai pas eu ce sentiment.
Ce doit être en partie grâce à la très juste partition de Kinuyo Tanaka, une grande actrice (et dont j'aimerais bien découvrir l'œuvre de cinéaste), Je l'ai trouvée remarquablement maitresse d'elle même, tout en économie, tout en finesse alors que son personnage en prend plein la tronche, passant de Charybde en Scylla, de violence en rejet.
Cette accumulation d'emmerdes et de vilenies, cet acharnement de malchance sur une existence qui parait pourtant d'une simplicité toute ordinaire pour ainsi dire, est admis par O'Haru, comme si le personnage encaissait ce destin de femme, coupable et naturellement opprimée sans la moindre possibilité de révolte dans une sorte d'acceptation stoïque (excusez l'anachronisme autant que les décalages géographique et culturel) et persuadée qu'il n'y a pas d'échappatoire.
Un seul homme l'aura prise pour femme, comme une femme, sans un regard moralisateur, ni culpabilisant ni de réprobation, avec la compassion d'un être humain pour un autre être humain, avec un véritable amour. Mais le sort s'acharne à lui pourrir l'existence. Tous les autres -hommes et femmes- participent à la construction d'un monde hypocrite, pervers, phallocratique, où les apparences et la moralité mal placée tiennent lieux d'assises, de structures d'un pouvoir ultra dominant où les femmes n'ont que très peu de place, celles de génitrices ou de religieuses hors le monde. C'est ce regard extrêmement féministe, tellement propre à Mizoguchi qui a marqué le cinéma de ce cinéaste et qui me plait presque tendrement, alors que le propos ne l'est pas vraiment, plutôt écorché vif, cherchant dans la béance des plaies la chaleur du propos, marquant au fer rouge que l'injustice faite aux femmes, parce qu'elles sont femmes, est un déni d'humanité évidemment inexcusable, une incompréhensible méprise.
Du cinéma de Mizoguchi ressort toujours un discours catégorique et musclé laissant peu de place à la nuance dès lors qu'il s'agit d'une idée maîtresse à mettre en lumière ou un sentiment fondamental. Les subtilités et les complications vont plutôt se nicher dans la mise en scène, dans les personnages, alors que l'histoire et sa "morale" sont très nettes, d'une lisibilité éclatante.
Trop à mon goût sur d'autres films, pas sur celui-là. Affaire d'humeur sans doute? Ou d'habitude?

vendredi 2 octobre 2009

Les soeurs de Gion



1936
Titre original : Gion no shimai
Titre francophone : Les soeurs de Gion
alias : Sisters of the Gion

Cinéaste: Kenji Mizoguchi
Comédiens: Isuzu Yamada - Yôko Umemura - Benkei Shiganoya - Eitarô Shindô

Notice d'Imdb
Vu en dvd



Vu en janvier 2009:

J'ai vraiment du mal à dire que le film est bon. Parce qu'entre un démarrage sur les chapeaux de roue avec un sublime travelling et le discours final d'Isuzu Yamada sur son lit d’hôpital, où l'actrice nous pond une scène merveilleusement poignante, il y a comme un long film assez ordinaire.

Peut-être que le terme ordinaire n'est pas le plus juste. Disons que l'on est loin de l'aboutissement atteint avec des œuvres comme les Femmes de la nuit ou La rue de la honte dans lesquelles Mizoguchi nourrit son récit d'une vision plus riche et dense.

Ici on a plutôt l'impression décevante de suivre un seul et même courant, celui d'une rivière calme mais imperturbable, une pente douce, dont on connait l'amont et l'aval par cœur, sans grande surprise. On suit le parcours balisé en quelque sorte de ces deux sœurs Geishas, l'une acceptant la domination de l'homme, l'autre refusant tout net, faisant du féminisme un combat sans faille et permanent. Finalement les deux se rejoignent dans l'exploitation de la femme par l'homme, dans la souffrance (physique ou morale), dans l'humiliation.

En somme on a là une sorte de fable moraliste, féministe dont la portée est fortement altérée par un discours asséné à coups de massue. Sans grande finesse. La mise en scène faite de plans éloignés la plupart du temps, de légers travellings ou de plans de coupe dans les moments de tension soudains n'assure pas une fluidité extraordinaire, ni une inventivité salutaire et dynamique. Le simplisme du propos m'a paru trop évident et laissé sur ma faim.

Je m'attendais à bien plus riche de la part de Mizoguchi.

Naniwa ereji



alias : L'élégie d'Osaka
alias : Osaka Elegy
1936

Cinéaste: Kenji Mizoguchi
Comédiens: Seiichi Takegawa - Chiyoko Okura - Shinpachiro Asaka - Isuzu Yamada

Notice d'imdb

Vu en janvier 2009:
Assez grande déception. Les soeurs de Gion m'avaient déjà largement désappointé par le rythme et le manque de profondeur du scénario (au contraire des Femmes de la nuit et de La rue de la honte). Bref, je n'aurais pas été charmé par le diptyque réaliste noir du Mizoguchi des années 30.

A part un ou deux plans de tout le film, la réalisation n'est pas d'une inventivité foudroyante. Décidé à laisser les artifices, comme souvent, Mizoguchi se contente de peu. Dans les films qui suivront, toujours à la recherche du vrai et de l'épure, il parviendra cependant à donner une esthétique et un rythme beaucoup plus fluides, une clarté et une invention qu'ici je ne retrouve pas.

Les thématiques féministes sont ici toujours la pierre d'achoppement de toute l'histoire. Les hommes sont tous des dégueulasses et les femmes les victimes d'un système aussi patriarcal que cruel et hypocrite. Mizoguchi explore encore le parcours et la psychologie des personnages qui cautionnent, organisent, combattent ou subissent la prostitution. En somme la société corrompue et corrompant.

Je ne sais si la qualité médiocre de l'image n'est pas pour beaucoup dans l'espèce de distance qui s'instaure entre le spectateur et les personnages? Dans les œuvres plus récentes de Mizoguchi, les gros plans sont tout autant rares, mais l'on voit nettement mieux les traits des visages, les expressions etc. Ici, un flou qui n'a rien d'artistique mais qui a tout de l'érosion du temps, enraye peut-être grandement une empathie nécessaire à l'immersion dans l'histoire. Je me demande si ce problème n'est pas identique pour l'édition vue pour Les soeurs de Gion.

dimanche 15 mars 2009

Les femmes de la nuit


1948

Titre original : Yoru no onnatachi
Titre francophone : Les femmes de la nuit

Cinéaste : Kenji Mizoguchi
Comédiens : Kinuyo Tanaka - Tomie Tsunoda - Mitsuo Nagata - Sanae Takasugi
Vu en dvd

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Énorme film. D'une violence incroyable, un peu physique, certes, mais surtout morale. Plus encore, c'est la violence de l'approche de Mizoguchi qui estomaque. Le cinéaste n'y pas avec le dos de la cuillère, il aborde son thème, la prostitution, dans un corps à corps avec la morale et le regard social sur cette pratique au sortir de la guerre, d'une manière si crue et si directe, sans se défiler face à tous les problèmes qui en découlent, causes et conséquences, que le spectateur d'aujourd'hui ne peut être que soufflé par le courage de l'entreprise, la puissance et la force de caractère du film et la modernité du regard posé par le cinéaste. C'est avec une admiration pour le bonhomme et son travail que j'ai terminé le visionnage.

Ce qui est tout aussi extraordinaire, c'est que le film ne se contente pas d'aborder de manière aussi franche que courageuse un problème social tabou, c'est qu'il le fait avec une maîtrise de la mise en scène qui ne laisse pas de m'ébahir. Certaines séquences sont écrites et réalisées si parfaitement, suintant le naturel et la logique. Tout semble couler de source.

Les comédiennes Tanaka et Takasugi sont excellentes. Elles ont une présence ahurissante. On peine à trouver pareilles justesse et authenticité chez les comédiennes de l'époque. On en trouverait sans doute mais ce que je veux dire qu'elles sont rares. Et qu'ici leurs prestations sont des moments d'enchantement comme le cinéma sait nous en offrir quelque fois.

Seule nuance que je voudrais noter : j'ai le sentiment après avoir vu deux ou trois Mizoguchi, que le bonhomme, s'attachant à faire des films difficiles, de haut niveau mélodramatique, pèche un petit peu par excès de zèle je trouve, sur une ou deux séquences ici. J'ai bien entendu en mémoire la dernière, le plan sur la vierge en vitrail. C'est un tout petit peu trop à mon goût. A force d'appuyer là où ça fait mal, quelques fois (très rarement), il en sort quelques grumeaux un petit peu abusifs.

Reste que pour le moment, c'est mon Mizoguchi préféré. J'ai trouvé la construction grandiose, les comédiennes excellentes et le propos extrêmement fort.

La rue de la honte



1956

Titre original : Akasen chitai
Titre francophone : La rue de la honte

Cinéaste : Kenji Mizoguchi
Comédiens : Ayako Wakao - Machiko Kyô - Michiyo Kogure - Aiko Mimasu
Vu en dvd

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Mon premier Mizoguchi.
Une découverte pas vraiment bouleversante mais bigrement bandante, dotée de grands atouts qui donnent un goût de reviens-y.

Pas de doute, le bonhomme derrière la caméra a du cinéma et son univers, sa manière sèche, austère, simplissime de filmer. Mais ses personnages sont fouillés, puissants, réels. Les actrices ici offrent d'étonnantes et superbes compositions. D'une très grande modernité à mon grand étonnement et surtout à mon encore plus grand plaisir.

La sécheresse de la caméra, souvent en plan fixe, peu discursive, laissant les personnages bavarder, se mouvoir dans leurs propres discours, leurs propres existences et densités, la mise en scène brut de décoffrage proposent au spectateur un film d'un réalisme saisissant.

Par conséquent on est invité à suivre un témoignage violent de la misère sociale du Japon d'après-guerre. L'étude de mœurs prend position dans un établissement qui héberge des putains aux histoires diverses et aux destins divergents. Portrait d'une fausse famille et de l'éclatement des véritables. Fractures sociales, sexuelles, culturelles. Exclusion politique et morale. Bref, le film ne manque pas de strates et de points de vue.

A la limite, j'ai peut-être été agacé par la limite du propos : on sait déjà qu'il est dur d'être pauvre. Insiste-t-il?

Mais ce que je retiens, outre la très belle maîtrise du jeu des comédiennes c'est d'abord le style, la fluidité des scènes et cette espèce d'atmosphère conciliante entre tous ces êtres différents mais entourés et imbriqués dans un système, une sorte de huis-clos collectif. L'enfer c'est les autres aussi dans la rue de la honte. Une dénonciation existentialiste? Hardi que je suis.

Le monde tel qu'il est présenté par Mizoguchi est d'une rare violence. Les solidarités sont rares voire factices. Et cependant le cinéaste parvient à le former, lui donner une épaisseur, une existence, celle peut-être que l'État, le pays veut bien lui donner. Il est question d'hypocrisie à un moment. C'est sans doute bien ce que veut montrer Mizoguchi. Et la flèche atteint son but. Inarrêtable.