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vendredi 21 septembre 2018

Règlement de comptes



1953

Titre original : The big heat
Titre francophone : Règlement de comptes

Cinéaste : Fritz Lang
Comédiens : Glenn Ford - Gloria Grahame - Lee Marvin

Notice SC
Notice Imdb

Vu en dvd

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Ancienne critique :

Pas grand chose d'original à dire. On répète alors : film noir efficace, réalisation de Lang bandante. Quel réalisateur tout de même! Admiratif je suis.

Je ne suis pas un fan de Glenn Ford. Sa tête ne me revient pas. J'ai envie de lui mettre des claques je ne sais pas pourquoi (Errol Flynn style?). Cependant il m'a bien plu dans ce film. Son personnage en prend plein la tête et il arrive bien à montrer la cocotte minute qui commence à siffler dans un simple regard. Je reconnais qu'il sert bien son personnage.

J'ai bien aimé la prestation de madame Nicholas Ray, Gloria Grahame, que bella, sublime même brûlée, agile, enflammé et sexy en diable.

Lee Marvin encore, et toujours dans un rôle de sombre salop, avec une trogne pas possible et une présence physique indéniablement noire.


Nouvelle critique :

Ce Big Heat est souvent cité quand on évoque le genre du film noir. En règle générale, quand on parle de Fritz Lang, il n’est pas rare qu’il soit mentionné également. Bref, ce film est important. Et pourtant, à titre personnel, même si je l’aime bien pour toutes sortes de raisons que je vais énumérer et expliciter, il reste pour moi un peu mineur dans la filmographie de Lang. Il y a tellement de plus grands films de ce cinéaste!

Déjà, quant à parler de film noir, certes le film se pare de quelques atours du genre, mais il n’est pas aussi noir que la majorité. Surtout une fin pas véritablement malheureuse pour le héros principal me fait irrémédiablement tiquer à l’heure de l’estampiller “film noir”. La seule vraie héroïne “noir” est le personnage joué par Gloria Grahame. Celui de Glenn Ford connaît un passage difficile certes, un tourment qui est proche de le redéfinir en tant qu’être humain, de le faire basculer complètement, mais justement, il ne change pas, ne sombre pas, il tient bon. Or, un héros “noir” tombe, par définition. Bon, cessons ces bavardages au fond terribles de nullité. Les définitions n’ont guère d’intérêt en l’occurrence.

Ce qui compte ici, c’est l’histoire qu’on nous raconte et comment l’on distribue les cartes évidemment. D’abord, cette histoire est classique : un flic intègre est confronté à la pègre et aux flics corrompus, un Serpico avant l’heure en somme. Touché au plus profond, il garde son sang-froid, ainsi que ses principes moraux et parvient tout de même à aller au bout de sa quête aussi professionnelle que personnelle.

Lang utilise de grands acteurs pour incarner ce dilemme métaphysique, ces enjeux cruciaux. Le brave type qui reste perpétuellement droit dans ses bottes est joué par un Glenn Ford

 impressionnant. Ses marges de manœuvres sont courtes : il doit suggérer la colère la plus violente et dans le même temps la plus contenue. Tout est dans le regard, dans sa lipe furibarde et ses mâchoires serrées.

Face à lui, le portrait que dessine Gloria Grahame

 est comme souvent avec cette délicieuse actrice tout en subtilité. Elle incarne une jeune femme, d’abord légère, mais dont la trajectoire révèle beaucoup plus de nuances qu’on pouvait l’imaginer au départ. Elle subit les violences d’un Lee Marvin toujours aussi efficace dans l’abjection, la petitesse de son esprit malade. Mais dans la douleur, avec ce besoin évident de s’attacher, presque en midinette, aux hommes, dans une dépendance à laquelle elle ne peut pas échapper, elle trouve néanmoins une capacité de révolte, une force qui en fait une femme remarquable. Pas facile pour le spectateur de ne pas sentir l’emprise charmante de ce personnage attendrissant. La bouille à la fois sympathique et sensuelle de Gloria Grahame est attirante. Elle a du chien : on ne peut pas mieux justifier cette expression qu’avec cette superbe comédienne.

Dans le rôle majeur du bad-guy, Lee Marvin

 vole la vedette à Alexander Scourby qui pourtant devrait être son supérieur sur le papier. Marvin, je l’écrivais plus haut, a quelque chose de malsain, de pervers qui n'apparaît pas chez Alexander Scourby.

 Ce dernier incarne un parrain un peu pâlichon, et il n’est pas dur pour Marvin ou Ford de prendre le dessus en terme d’image et d’épaisseur. C’est dommage car cela atténue la puissance de la confrontation morale entre les deux hommes.

The big heat n’est pas si big que ça, mais hit par moments, grâce à une belle photo de Charles Lang (aucun lien de famille), adéquate sur les thèmes “noirs” et qui met bien en valeur l’expression contenue ou explosive des acteurs. L’ambiance développe avec aisance cette noirceur, ce côté délétère d’une société en crise, une société pas si parallèle que ça. Un bon petit Lang.

Trombi:
Jocelyn Brando:
Jeanette Nolan:
Peter Whitney:
Willis Bouchey:
Robert Burton:
Adam Williams:
Howard Wendell:
Dorothy Green:
Edith Evanson:
Dan Seymour:

mercredi 13 septembre 2017

Garde à vue



1981

Titre original: Garde à vue

Cinéaste: Claude Miller
Comédiens: Michel Serrault - Lino Ventura - Romy Schneider - Guy Marchand

Notice SC
Notice Imdb

Vu en dvd

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Aussi loin qu’il m’en souvienne, j’ai toujours aimé ce film. Quand j'étais enfant, j'avais fait l'acquisition auprès d'un collectionneur des 150 premiers numéros de la revue Première et j’ai encore en mémoire des images du reportage effectué sur le tournage en studio, des photos de Lino Ventura, de cette couleur, de cette photographie sombre, pluvieuse et glacée qui m'avait subjugué.

Et la première fois que j’ai vu le film, cette fascination ne s'était pas démentie. Au contraire, elle s'était accentuée. Les images concordaient, avec la tension du film, la noirceur de l'histoire, le glauque qui émanait des personnages. Je revois encore et toujours le regard sidéré de Ventura à la fin du film : l'incompréhension, le profond gouffre qui le sépare du couple dysfonctionnel Serrault/Schneider.

Je suis aujourd'hui très admiratif du soin et de l'intelligence de la mise en scène de Claude Miller, comment il a su mettre en place des éléments foutrement efficaces pour formaliser la pesanteur de son huis clos, l'air vicié et surtout, l'écart a priori très distant entre l'inspecteur et son suspect, entre le fonctionnaire et le notable.

Je dis bien “a priori” : la mise en scène, le talent des comédiens parviennent à mettre juste ce qu'il faut de subtilité pour qu’un semblant de complicité puisse relier les 2 protagonistes. Complicité est peut-être un terme un poil trop excessif, mais les deux hommes parviennent à établir un contact évident. Le flic peut comprendre, au moins approximativement, ce qui se joue jusqu'au dénouement surprenant.

Les dialogues de Michel Audiard forment un joli écrin à ces rapports tout en ambiguïté, ces faux-semblants et fanfaronnades désespérées du côté du “gardé à vue”. Sans échapper cependant à sa nature gouailleuse et un peu comique, embrassant souvent une ironie mordante, le texte se charge de suite d'une noirceur bienvenue, toujours maîtrisée. Audiard dans ses élans humoristiques, dans ses mots d’esprit comme dans la gravité ou l'intimité de certaines scènes nous sert toujours une langue pleine de superbe, sûre de son style littéraire, des dialogues incisifs, violents, malins et tout simplement beaux. Du grand art, servi par deux comédiens d’exception.

La rencontre Serrault Ventura peut piquer la curiosité du connaisseur. Et l’harmonie des échanges est bel et bien le signe que la rencontre se déroule parfaitement. Surtout, les deux acteurs sont d'une justesse incroyable parvenant à jouer sur les nuances pour que les personnages s'adaptent l'un à l'autre dans leur jeu du chat et de la souris sans qu'on sache bien parfois qui fait le chat. C'est très fort.

Mais peut-être faudrait-il souligner que la partition qui demande le plus de dextérité, la plus difficile à tenir sans se vautrer dans la caricature est bien celle de Michel Serrault.
Le comédien donne de la mesure à son interprétation. Il est sans doute au sommet de son art, faisant balancer son personnage entre mélancolie, désespoir, colère et grands coups de menton altier.

Face à lui, Lino Ventura,
comme d'habitude à l'économie, reste sobre malgré la lassitude qui envahit peu à peu son personnage. Sa rigueur professionnelle et les circonstances tragiques qui pèsent sur l'enquête ne l'empêchent pas malgré tout de voir naître progressivement une forme d'empathie pour son suspect.

D'autant plus que ce dernier forme avec son épouse (Romy Schneider)
un couple tellement étrange, un couple nimbé d’une aura malheureuse, puante, morbide pour tout dire, où la folie du désespoir n’est pas très loin. L’actrice a finalement un petit rôle un peu en retrait, tapie dans l’ombre, alors que son personnage est crucial pour tout comprendre de cette histoire. Dans le mystère, la comédienne joue de son physique, de son regard tellement triste, presque si vide de vie qu’il en devient glacial, effrayant.

Ne pas oublier Guy Marchand : interdit d’oublier! Guy Marchand
joue un rôle qu’il a tenu très régulièrement durant les années 80, celui du français moyen, un bas de plafond, vulgaire, dangereusement limité par son intellect sommaire. Jouer le con fait partie des rôles les plus ingrats, mais également des plus difficiles sur le plan technique et sensible, or Guy Marchand a toujours su, comme ici, donner de la véracité dans ce genre très particulier. On pourrait dire de lui qu’il fait du pointillisme. Sa grande scène avec Michel Serrault où il la joue brutal est amenée par toutes petites touches dans un crescendo de violence, tapie d’abord, ensuite de plus en plus franche. Guy Marchand est un très grand second rôle du cinéma français. J’adore ce grand monsieur! Ici comme dans Coup de torchon, Tendre poulet, Coup de foudre ou L’hôtel de la plage, un grand comédien!

En préambule je disais l’attrait de cette photographie de Bruno Nuytten, de ces décors en studio, étouffants, humides de tristesse, ce malaise général, formel que le film réussit à produire.

La musique de Georges Delerue joue aussi son rôle avec efficacité. Cette ritournelle entraînante fait songer aux musiques enfantines antiques, à l’orgue de barbarie, aux fêtes foraines de jadis. Sur fond de fenêtres ruisselantes de pluie, la musique devient sinistre, lamentation. Bien vu, bien entendu.

Au final, Garde à vue est un très grand film français. Pas une scorie. Un ensemble très homogène, un grand film noir, suintant, désespéré.

Trombi: