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IFFR 2025 Harbour

Lois Patiño • Réalisateur de Ariel

Mon envie était de travailler dans le cadre de cette double expérience de réalité et de fiction, et d'explorer la manière dont les deux se combinent”

par 

- Le réalisateur galicien nous parle sur son quatrième long, un parcours métacinématographique dans le théâtre de Shakespeare où se retrouve un bon nombre de motifs caractéristiques de son cinéma

Lois Patiño • Réalisateur de Ariel
(© Camilo Oviedo)

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, le nouveau film de Lois Patiño, le réalisateur de Samsara [+lire aussi :
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, a été présenté à Rotterdam dans la section Harbour. Ariel emprunte son personnage éponyme, et beaucoup d’autres choses encore, à la pièce insulaire La Tempête de William Shakespeare. Ce film est très différent de ce qu’a fait Patiño précédemment, mais il tisse tout de même ensemble plusieurs de ses motifs de prédilection. Nous avons discuté avec le cinéaste de collaboration, d'interpolation et d’interaction entre fiction et réalité.

Cineuropa : Vous aviez initialement imaginé ce film avec le réalisateur argentin Matías Piñeiro, avec qui vous avez fait un court-métrage, Sycorax. Comment le projet a-t-il évolué depuis ces premiers temps ?
Lois Patiño : Notre idée principal était ce film. Nous avons fait Sycorax pour nous entraîner à construire un langage cinématographique ensemble, car nous avons au départ des styles différents, presque à l’opposé l’un de l’autre. Hélas, entre la pandémie et les autres obligations que nous avions, Matias n’a pas pu participer à Ariel.

Nous cherchions une zone où nos intérêts convergeraient, et nous avons trouvé cela dans La Tempête. C’est la pièce de Shakespeare où la nature est la plus présente – on y trouve cette spiritualité spécifique qu'ont les éléments naturels. Donc il y avait le théâtre et mon intérêt pour les paysages, la contemplation et la spiritualité. La grande idée était de réaliser une adaptation libre de La Tempête en adoptant le point de vue d'Ariel, et les choses ont évolué à partir de ça.

À partir de là, le film se ramifie pour explorer d’autres pièces de Shakespeare. Qu’est-ce qui vous a amené à élargir la portée du projet ?
Nous avions déjà à l’idée de faire un méta-récit, d'instaurer une relation double représentant la réalité et la fiction, mais j'ai voulu aller encore plus loin, pour arriver à l'idée qu’on est sur les îles de différents personnages issus du théâtre de Shakespeare, mais aussi d’autres dramaturges, comme Pirandello. La grande idée que j'ai ajoutée, c'est que ces personnages ont des problèmes existentiels parce qu'ils savent qu'ils sont des personnages.

Je voulais remettre Shakespeare en contexte. Les autorités, dans ce film, ne parlent qu'avec les mots de Shakespeare. Parfois, quelqu’un demande quelque chose et la réponse n’a aucun sens. J’ai ajouté de l'humour emprunté au théâtre absurde, et j'ai mélangé Shakespeare avec d’autres idées théâtrales. Il y a un personnage de Beckett sur une des îles.

Cet élan déconstructeur est intéressant, car vous avez mis une actrice argentine, Agustina Muñoz, au centre du film. La déconstruction métatextuelle dans le cinéma argentin contemporain a de plus en plus de visibilité sur la scène internationale.
Je n’avais pas pensé à ça va, mais c’est vrai. J’ai été influencé, consciemment et inconsciemment, par Matías. J’adore le travail de Mariano Llinás. Ici, le texte est fragmenté, et on finit par comprendre qu’il y a beaucoup de pièces qui se passent parallèlement. J’ai pensé à L'Usine de rien [+lire aussi :
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de Pedro Pinho, qui travaille aussi avec des acteurs non professionnels. J'espérais, par exemple, que trois vieilles dames dans un supermarché disant Othello, ça fonctionnerait. Et si elles ne font pas ça bien, le concept du film, c'est qu'il faut l'accepter.

Qu’est-ce qui vous a amené à tourner dans les Açores ?
Nous avions besoin de vent, car il fallait que la végétation bouge. Au milieu de l’océan Atlantique, le le temps change presque toutes les heures, donc il y a beaucoup de tempêtes et de nuages, et puis du soleil. Ça a rendu le tournage difficile, mais la nature apparaît dans toute sa puissance. Je trouvais aussi intéressant d’amener le langage de Shakespeare dans le portugais, un langage minoritaire, c'est-à-dire de l'extraire de la langue dominante pour l’amener vers quelque chose d’autre.

Le film fait l'effet d’un rêve. Vos travaux précédents requéraient une participation active de la part du spectateur. Le point médiant, dans Samsara, en est un exemple : au moyen d'un clignotement de lumières aveuglantes, vous engagiez le spectateur à fermer les yeux. Quelle expérience espérez-vous procurer avec ce film ?
J’ai beaucoup pensé à cette idée d’expérience. C’est une des choses qui m’intéressent le plus. Coast of Death [+lire aussi :
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est une expérience avec l’espace et le temps. Tout est tourné à distance, mais on entend les bruits de très près. Dans Red Moon Tide [+lire aussi :
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, j’ai joué avec l'idée de temps. Tout le monde est paralysé pendant tout le film. Ariel ne va pas aussi loin dans la manière dont il travaille avec la matière cinéma, mais mon envie était de travailler dans le cadre de cette double expérience de réalité et de fiction, et d'explorer la manière dont les deux se combinent. Ce n’est pas, pour moi, aussi radical et essentiel que quand on travaille avec la matière du temps et de l’espace, ou de la lumière et du son, mais je pense que c’est une idée conceptuellement intéressante à explorer, une expérience intéressante à faire.

(Traduit de l'anglais)

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