FORMULATIONS GALÉNIQUES D'AGENTS ANTITHROMBOTIQUES POUR ADMINISTRATION SOUS-CUTANÉE
La présente invention a pour objet de nouvelles formulations d'agents antithrombotiques pour administration sous-cutanée.
Ces nouvelles formulations peuvent être adaptées pour augmenter la concentration de certains agents antithrombotiques.
Elles peuvent aussi être adaptées pour augmenter leur taux plasmatique et en prolonger la durée d'action. En effet, grâce à une administration sous-cutanée, la cinétique peut être notablement modifiée, en comparaison à une administration intraveineuse. On peut obtenir, grâce à ces formulations un ralentissement de la diffusion de l'agent antithrombotique à partir du site d'injection, notamment par la viscosité plus importante de la préparation in situ. Aussi, l'administration par voie sous-cutanée est plus aisée que l'administration intraveineuse, surtout quand celle-ci est mise en oeuvre par perfusion. En particulier, l'administration par voie sous-cutanée peut permettre les soins à domicile, par une infirmière ou par le patient lui-même.
La demanderesse a alors mis au point de nouvelles formulations galéniques d'agents antithrombotiques pour administration sous-cutanée.
Les agents antithrombotiques pour lesquels ces nouvelles formulations galéniques conviennent sont par exemple le napsagatran, le melagatran, l'inogatran ou l'efegatran, ainsi que les composés décrits dans la demande de brevet WO 98/42700, c'est à dire des dérivés de Λ/-(arginyl)benzènesulfonamide et par exemple le chlorhydrate de (S)-N-[2-[[[4-[(aminoiminométhyl)amino]- 1-[[(4-difluorométhylène)pipéridine-1-yl]carbonyl]butyI]amino]sulfonyl]-6-thièn-2- ylphényljpropanamide, le chlorhydrate de (S)-Λ/-[2-[[[4-(aminoiminométhyl)amino]- 1 -[(4-éthylpipéridin-1 -yl)carbonyl]butyl]amino]sulfonyl]-6-thién-2-ylphényl] propanamide ou le chlorhydrate du Λ/-[2-[[[(1 S)-4-[(aminoiminométhyl)amino]-1-[[4-
(trifluorométhyl)pipéridin-1-yl]carbonyl]butyl]amino]sulfonyl]-6-thién-2-ylphényl] propanamide.
Ces formulations, objet de la présente invention se présentent sous la forme de suspensions de cristaux d'agent antithrombotique.
Les suspensions injectables ainsi obtenues présentent une concentration en agent antithrombotique pouvant être comprise entre 1 et 100 mg/ml.
La présente invention a donc pour objet une suspension injectable concentrée d'agent antithrombotique pour l'administration sous-cutanée, caractérisée en ce qu'elle contient un agent antithrombotique sous forme de cristaux présentant un diamètre compris entre 0,2 et 50 μm.
La formulation selon la présente invention peut être à libération immédiate ou prolongée. Ces deux types de formulations, décrites ci-après, font partie de l'invention.
Immédiates ou prolongées, les suspensions de la présente invention peuvent être obtenues par diverses techniques, comme décrit plus loin. Leur préparation peut en effet passer par la préparation de formes liquides ou solides, avant l'obtention de la suspension finale prête à l'injection.
Les formulations selon la présente invention peuvent ainsi contenir les additifs habituellement utilisés pour la préparation
- des formes pharmaceutiques liquides, tels qu'agents d'osmolarité, agents tampons, antioxydants et conservateurs, - des formes desséchées (obtenues par cryodessiccation, nébulisation, atomisation...).
Par ailleurs, les formulations selon la présente invention peuvent en outre contenir d'autres substances additionnelles utilisées pour les formes desséchées telles que des cryoprotecteurs de lyophilisât, par exemple le mannitol, le trehalose ou d'autres oligosaccharides.
De même, les formulations selon la présente invention peuvent en outre contenir d'autres substances additionnelles utilisées pour les formes liquides telles que des inhibiteurs de croissance cristalline, par exemple la povidone, la lécithine, la gélatine ou l'albumine et/ou des agents de suspension, par exemple, la povidone.
Les formulations à libération prolongée sont caractérisées par le fait qu'elles contiennent en plus une substance capable d'augmenter la viscosité de la suspension. Les formulations à libération prolongée qui peuvent former un gel sont particulièrement avantageuses.
Plusieurs types de ces substances capables d'augmenter la viscosité de la suspension peuvent être utilisés dans le cadre de la présente invention.
On peut ainsi citer les polymères accroissant la viscosité tels que la povidone.
On peut aussi citer les polymères gélifiant après diffusion du solvant organique à partir du site d'injection sous-cutanée tels que le poly(acide methacrylique) ou le poly(/V- isopropyl-acrylamide-b-DL-iactide), ces derniers excipients pouvant être complexés ou non avec le polyéthylène glycol.
On peut encore citer les polymères gélifiant pH-sensibles (c'est à dire pour lesquels la gélification est provoquée au passage d'un pH acide vers neutre), tels que le polyvinyiacetal diethylaminoacetate.
Enfin, on préfère les polymères thermosensibles tels que les poloxamères (Lutrol® F127 ; Lutrol® F68, BASF).
La viscosité de la formulation augmente alors in situ grâce au différentiel de température et permet une libération lente de l'agent antithrombotique.
A titre de substance capable d'augmenter la viscosité de la suspension, un mélange des polymères décrits ci-dessus peut également être utilisé.
Les suspensions d'agents antithrombotiques prêtes à l'injection, selon l'invention, peuvent être préparées de la manière suivante, en plusieurs étapes :
La première étape peut consister en la préparation d'une suspension de particules de faible taille, par ajout de l'agent antithrombotique au liquide de suspension, qui peut contenir un agent de suspension et/ou un ou plusieurs
tensioactifs comme par exemple les poloxamères 188 et 407, sous agitation vigoureuse. La taille des particules d'agent antithrombotique peut être réduite ensuite par les méthodes classiques de broyage, en milieu liquide en utilisant par exemple un broyeur à microbilles, pour obtenir une suspension de cristaux d'agent antithrombotique.
Cette suspension de cristaux d'agent antithrombotique peut être utilisée directement pour l'injection, mais pour des raisons de conservation, exposées ci-après, il est préférable de procéder à une deuxième étape décrite plus loin.
A titre de première étape, on peut aussi préparer un matériau solide, contenant des particules de faible taille, dont la taille est réduite et/ou contrôlée pour les cristaux de plus fort diamètre soit par broyage à sec, par exemple par micronisation soit par sélection granulométrique sur tamis.
Les cristaux d'agent antithrombotique que l'on obtient à cette première étape peuvent alors présenter un diamètre compris entre 0,2 et 50 μm.
En particulier les cristaux d'agent antithrombotique que l'on obtient à cette première étape peuvent présenter un diamètre compris entre 1 et 50 μm.
La deuxième étape, qui concerne seulement la suspension de cristaux d'agent antithrombotique obtenue ci-dessus peut alors être mise en oeuvre. Ainsi, la suspension concentrée injectable de cristaux d'agent antithrombotique obtenue, destinée à l'administration sous-cutanée, se présente sous forme de cristaux présentant un diamètre compris entre 0,2 et 50 μm et en particulier entre 1 et 50 μm.
Cette suspension de cristaux d'agent antithrombotique peut par ailleurs présenter une certaine instabilité et notamment laisser apparaître une recristallisation gênante, c'est à dire une modification de la forme des cristaux et une croissance de ces derniers.
La présente invention a donc aussi pour objet de nouvelles formulations stables d'agent antithrombotique pour administration sous-cutanée, ainsi que leurs procédés de préparation.
Les nouvelles formulations stables peuvent notamment être préparées comme suit :
On stabilise la suspension de cristaux d'agent antithrombotique obtenue ci-dessus par l'ajout d'un polymère hydrophile tel que la povidone, puis on procède à une lyophilisation selon les techniques connues de l'homme du métier.
A la suite de cette étape on obtient un lyophilisât qui peut être conservé dans un récipient étanche sous atmosphère contrôlée.
D'autres procédés peuvent aussi être utilisés tels que l'atomisation ou la nébulisation, qui font également partie de l'invention.
Un autre avantage de cette étape est d'éviter la prolifération de microorganismes en milieu aqueux.
Enfin, la dernière étape d'obtention des suspensions prêtes à l'injection, à libération immédiate ou prolongée, selon la présente invention s'effectue à partir du lyophilisât, du nébulisat, de l'atomisât ou du matériau solide obtenu directement par le broyage à sec tel que décrit plus haut.
En effet, on peut obtenir une suspension à libération immédiate, prête à l'injection par voie sous-cutanée, en dispersant extemporanement le lyophilisât, le nébulisat, l'atomisât ou le matériau solide par adjonction d'eau ou de tout autre solvant approprié tel que les solutés physiologiques.
On peut obtenir une suspension à libération prolongée, prête à l'injection par voie sous-cutanée, en mettant en suspension extemporanement le lyophilisât, le nébulisat, l'atomisât ou le matériau solide par adjonction d'une solution contenant le polymère destiné à accroître la viscosité de la suspension.
Pour les polymères accroissant la viscosité tels que la povidone, le solvant utilisé peut être l'eau.
Pour les polymères gélifiant après diffusion du solvant organique à partir du site d'injection sous-cutanée, le solvant utilisé peut être un mélange d'éthanol et d'eau.
Pour les polymères pH-sensibles le milieu peut être une solution tampon à un pH tel que le polymère n'est pas sous forme gélifiée.
Pour les polymères thermosensibles, le solvant utilisé peut être de l'eau avec 12 à 20% en poids de poloxamère.
Les concentrations d'agent antithrombotique des suspensions prêtes à l'injection ainsi obtenues (libération immédiate ou prolongée) sont comprises entre 1 et 100 mg/ml.
La reconstitution, c'est à dire la mise en suspension du lyophilisât, du nébulisat, de l'atomisât ou du matériau solide n'entraîne pas de variation significative de la taille des particules qui reste comprise entre 0,2 et 50 μm.
Les exemples suivants illustrent la présente invention.
Le composé utilisé pour les exemples qui suivent est décrit dans la demande de brevet WO 98/42700 en exemple 5 le chlorhydrate de
(S)-N-[2-[[[4-[(aminoiminométhyl)amino] -1-[[(4-difluorométhylène)pipéridine- 1-yI]carbonyl]butyl]amino]sulfonyl]-6-thièn-2-ylphényl]propanamide, qui sera nommé "le composé" dans le cadre des exemples.
Exemple 1 : préparation d'une suspension de microcristaux du composé, à libération non-modifiée, pour administration sous-cutanée Les constituants suivants sont mis en solution :
1 commercialisé sous la marque Kollidon 17 PF par BASF
On réduit la taille des particules du composé par broyage de la solution dans un broyeur à micro-billes Dyno Mill® type KDL, pendant 5 minutes. La taille moyenne (diamètre médian) des particules est de 6 μm et 90% des particules ont une taille inférieure à 18 μm. On effectue cette mesure par analyse granulométrique au granulomètre Maivern Mastersizer®.
La suspension est ensuite lyophilisée avec un lyophilisateur Sérail CS3-0.25. Chaque flacon contient 3 mg en composé.
On reconstitue le lyophilisât avec 1 ml d'eau ppi. On agite vigoureusement pendant environ 30 secondes. La suspension obtenue est prête à l'injection. Après reconstitution, la concentration en composé est de 2,9 mg/ml et la taille des particules est de 6 μm.
Exemple 2 : préparation d'une suspension de microcristaux à libération non- modifiée, pour administration sous-cutanée
Le composé est tamisé sur tamis de mailles de 45 μm pour éliminer les grosses particules. Le diamètre médian des particules est de 14 μm et 90% des particules ont une taille inférieure à 36 μm. On effectue cette mesure par analyse granulométrique au granulomètre Malvern Mastersizer®.
Exemple 3 : préparation d'une suspension de microcristaux de forte viscosité, destinée à la libération prolongée
On utilise les cristaux d'exemple 2. On le reconstitue avec 1 ml d'une solution de poloxamère 407 (Lutrol®, BASF) à 15,5% en poids et obtient ainsi la suspension prête à l'injection.
La concentration en composé, mesurée comme dans l'exemple 1 , est de 2,9 mg/ml et la taille des particules, mesurée comme dans l'exemple 1 , est de 15 μm.
On mesure la viscosité absolu à 20°C et à 35°C (avec un viscosimètre Brookfield DVII+) qui sont respectivement de 30 cP et 45000 cP.
Exemple 4 : durée d'action de l'activité anticoagulante des suspensions des exemples 1 , 2 à 3
MÉTHODE
Pour chaque formulation testée, 5 à 6 lapins mâles vigiles ESD (2,5 à 3,5 kg) sont traités.
Les suspensions sont administrées par voie sous-cutanée au niveau du cou. Une solution du composé dans l'eau ppi, de concentration 3 mg/ml est aussi testée par injection sous-cutanée.
Le volume injecté est de 170 μl/kg (0,5 mg/kg) d'animal.
A différents temps (0, 15, 30, 60, 120, 240, et 360 minutes), on effectue le prélèvement d'un échantillon sanguin (3 ml) à l'aide d'un cathéter 0,8 x 25 mm Insyte (France Médical Conseil) implanté dans l'artère de l'oreille. On détermine le temps de thrombine chronometriquement. Le temps de thrombine est exprimé en secondes.
On calcule pour chaque lapin traité le pourcentage d'augmentation du temps de thrombine (TT) des prélèvements réalisés post-administration par rapport au prélèvement réalisé juste avant administration (chaque lapin est son propre témoin).
Pour chaque formulation testée, on calcule les pourcentages moyens d'augmentation (± s.e.m.) pour chaque temps de prélèvement.
RÉSULTATS
Les résultats sont rassemblés dans le tableau. L'utilisation de microcristaux, prolonge la durée anticoagulante du composé par rapport à l'effet de la solution aqueuse. L'ajout d'un gel thermosensible aux microcristaux prolonge encore la durée d'activité anticoagulante.
Tableau