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KARLOVY VARY 2024 Proxima

Paolo Tizón • Réalisateur de Vino la noche

“Mais la vie continue, comme dans un film d'Abbas Kiarostami”

par 

- Rencontre avec le réalisateur péruvien pour l'interroger sur son premier long, qui pose un regard intime sur un des cursus d'entraînement militaire les plus durs d'Amérique latine

Paolo Tizón • Réalisateur de Vino la noche
(© Film Servis Festival Karlovy Vary)

Un groupe de jeunes hommes commencent leur entraînement pour rejoindre les forces péruviennes agissant dans la région de la Vraem contre les groupes armés et les cartels de drogue, et le réalisateur Paolo Tizón les rejoint dans leurs baraquements pour y réaliser son premier long-métrage. Sur dix mois, armé de sa caméra, il a suivi leurs exercices et leurs conversations privées, ce qui a donné lieu au film Night Has Come [+lire aussi :
critique
interview : Paolo Tizón
fiche film
]
, un documentaire très sensoriel qui a été présenté en première mondiale à Karlovy Vary, dans le cadre de la compétition Proxima.

Cineuropa : Night Has Come débute sans aucune information sur le contexte. Pourquoi avez-vous décidé de procéder ainsi ?
Paolo Tizón :
Ça a été un choix difficile. Au début, nous avions une version du montage qui incluait plus d'informations de contexte mais finalement, nous avons voulu que le film reste une observation de l’intimité dans les baraquements militaires réservés aux nouvelles recrues qui commencent l'entraînement. Quelques éléments de contexte sont fournis ça et là, mais ce n’est pas le motif principal. Nous avons décidé de laisser cela au second plan dans le film, ce qui peut aussi constituer une invitation pour que les gens fassent plus de recherches et se forment leur propre opinion. Ces institutions jouent différents rôles dans différents pays, mais le film ne parle pas tant de l’institution en relation avec la société que de son fonctionnement interne, de son monde intérieur.

Donc c’est aussi le genre de cinéma qui vous intéresse : observationnel, intime, racontant des histoires qui pourraient être universelles ?
Oui. Je pense que chaque film a son propre langage et ses propres besoins. Ce film devait être réalisé comme il l'a été. Il faut travailler pour servir le film, pas l’inverse.

Quelles étaient les conditions de tournage, par exemple dans les baraquements ?
Très précaires. Présenter le film en première mondiale ici, à un si grand festival, est pour moi formidable quand on pense aux conditions extrêmement précaires dans lesquelles le film a été réalisé. Aussi précaires que les gens filmés. Nous avons commencé à tourner sans aucun argent. C'était juste moi avec une caméra à 500 dollars. Ensuite, nous avons pu ajouter un ingé-son. Quand la situation est devenue un peu plus compliquée à tourner, je crois que nous étions quatre, mais l’équipe de base se constituait de deux ou trois personnes. En gros, dès que nous avons obtenu l’autorisation de tourner, nous nous sommes installés avec les soldats. Nous vivions ensemble, de sorte que parfois, ils oubliaient la caméra, mais nous avons dû travailler pour arriver à cela.

De quelle manière
Au début, ils produisaient une sorte de jeu d’acteur commercial, téléphoné, mais je continuais à filmer après qu’ils aient prononcé des répliques performatives. Nous avons aussi organisé avec eux un mini atelier, et je leur ai montré des films non-hollywoodiens ainsi que Metal and Melancholy, un documentaire péruvien des années 1990 où apparaissent des gens ordinaires (des chauffeurs de taxi, etc.), et là les gars ont compris qu’un film pouvait parler d'eux, qu'ils pouvaient rester eux-mêmes et que la vie ordinaire aussi peut être captivante.

Il y a un moment, dans le film, où on s’adresse à vous par votre nom, mais sinon, votre présence est assez invisible. Pourquoi avez-vous décidé d’inclure ce moment ?
Ma présence est partout dans le film, dans un sens, parce que je l’ai tourné moi-même. Il n’y a pas de voix off, mais mon point de vue est exprimé à travers la caméra, d’une manière ou d’une autre. Et puis je voulais rendre plus évident le fait qu’il y a une personne qui filme, qu'il y a une relation, au lieu de me rattacher à l'illusion de la "mouche sur le mur". Nous sommes sur le même plan, l’équipe et les jeunes recrues se rencontraient à ce niveau.

La fin est assez différente, par sa forme et son contenu. Comment êtes-vous arrivé à cela
À vrai dire, il a été assez difficile de comprendre comment le film allait se terminer. Nous étions en post-production, nous avions terminé le montage et nous en étions déjà au travail sur le son, mais je ne savais pas comment clore le film. Et puis je me suis rendu compte d'une chose : du fait que tout a été tourné au camp militaire et qu'on ne voit pas le monde extérieur ! Alors je me suis dit que peut-être qu'on devrait. Pour moi, cette fin représente la manière dont les dynamiques internes peuvent se traduire dans le monde extérieur, mais avec un élément joueur. Je voulais montrer que la vie continue, même après le dur entraînement et la déshumanisation. La vie continue, comme dans un film d'Abbas Kiarostami.

(Traduit de l'anglais)

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