[go: up one dir, main page]

email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

KARLOVY VARY 2024 Compétition

Margarida Cardoso • Réalisatrice de Banzo

“Un des défis, avec ce film, c'est qu'il se place selon le point de vue de ceux qui sont au pouvoir”

par 

- Dans son nouveau long-métrage, la réalisatrice portugaise se concentre sur un fait historique peu discuté : la mort de travailleurs africains expatriés du fait de leur mal du pays

Margarida Cardoso  • Réalisatrice de Banzo
(© Film Servis Festival Karlovy Vary)

Comment l'héritage du colonialisme portugais continue-t-il de faire sentir sa présence dans la société actuelle ? C’est un des thèmes centraux du travail de la réalisatrice portugaise Margarida Cardoso. Dans son nouveau film, Banzo [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Margarida Cardoso
fiche film
]
, en lice pour le Globe de cristal du Festival de Karlovy Vary, elle se concentre sur un fait historique peu discuté : la mort de travailleurs africains expatriés du fait d’une maladie causée par le mal du pays.

Cineuropa : La discussion autour du colonialisme prend de l’élan, ces dernières années. Vous avez déjà abordé ce sujet en 2004 dans The Murmuring Coast. Qu’est-ce qui vous intrigue dans ce sujet ?
Margarida Cardoso :
C’est un sujet clé dans tous mes films. Parfois, je pense que je vais aller ailleurs, mais finalement, je reste concentrée là-dessus. J’ai une relation avec l’Afrique, car mon père était pilote dans l’armée et quand j’avais deux ans, nous avons déménagé au Mozambique. J’étais là-bas pendant toute la guerre coloniale, sur la période 1965-1975. Je peux dire que l’expérience m’a traumatisée, quoique probablement pas autant qu’elle a affecté d’autres gens. C'était une étrange situation, parce que le gouvernement portugais ne voulait pas admettre qu’il y avait une guerre en cours. Cette violence silencieuse m’a énormément marquée.

Au Portugal, l’esclavage a été aboli en 1761, et les colonies en 1869, mais comme le montre votre film, sur le principe, la rupture n'a pas été immédiate. Les gens n'étaient pas libres et on profitait d'eux. Est-ce que vous voyez des parallèles avec le monde d’aujourd’hui ?
C'est très ambivalent. Le personnage central du film, Afonso Paiva, est un homme blanc. Il se situe du côté des colonisateurs, du pouvoir. Je voulais aussi donner au film une allure un peu contemporaine. Ces choses sont très difficiles à définir, parce que l’esclavage n’a pas disparu du jour au lendemain. Ce fait est quelque chose que nous devrions explorer, ne pas oublier.

Le sentiment que désigne le "banzo" existe dans différentes langues. Le mot "banzo" lui-même est né dans la colonie du Brésil. A-t-il été utilisé en Afrique aussi, ou est-ce que c’est de votre part une licence créative ?
Je pense que le concept vient du kimbundu, une langue du nord de l’Angola et du Congo. Ça veut dire foyer, ou maison, et c'est lié au fait que votre chez vous vous manque. Donc c’est très similaire au mal du pays moderne. Le mot est apparu au début du XIXe siècle. Au début du XXe siècle, qui est le moment où se passe le film, le mot avait été oublié, parce que c’est quelque chose qui intimement lié au commerce des esclaves dans l’Atlantique. En fouillant dans les archives médicales, j’ai trouvé plusieurs cas de gens qui sont morts, à l'hôpital, de "nostalgie" – c'est le terme qu'ils utilisaient pour désigner la dépression.

Le film montre beaucoup d’outils utilisés à l'époque pour maintenir la violence hégémonique. Ne craigniez-vous pas de reproduire la violence en montrant ça ? Comment avez-vous géré la chose ?
C’était le défi principal. Où sont les limites ? Il faut trouver le juste équilibre, parce que c’est un des grands défis du film : le fait qu’il adopte le point de vue de ceux qui sont au pouvoir. Certaines choses sont très violentes, comme la manière dont les gens se traitent les uns les autres et dont ils traitent les personnages noirs. Je suis consciente que le film pourrait soulever ces questions, mais il était très important pour moi de n’avoir pas peur, et d’être équitable.

Espérez-vous qu’un jour, une personne de couleur fera un film sur ce sujet à partir de son point de vue ?
Je le pense, je l’espère. Il y a beaucoup d’histoires à raconter, et il y a beaucoup de place pour d’autres points de vue.

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy