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KARLOVY VARY 2024 Compétition

Peter Hoogendoorn • Réalisateur de Three Days of Fish

“Mon travail est souvent décrit comme autobiographique, mais je trouve cette définition réductrice”

par 

- Le réalisateur hollandais nous en dit plus sur son deuxième long-métrage, et dévoile son lien biographique à l'intrigue

Peter Hoogendoorn • Réalisateur de Three Days of Fish
(© Film Servis Karlovy Vary)

Nous avons rencontré Peter Hoogendoorn, dont le deuxième long-métrage, Three Days of Fish [+lire aussi :
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, vient de faire sa première mondiale dans le cadre de la compétition pour le Globe de cristal du Festival de Karlovy Vary. Le réalisateur hollandais analyse pour nous le profil psychologique de ses personnages et explique certains de ses choix esthétiques.

Cineuropa : Comme votre film précédent, Between 10 and 12 [+lire aussi :
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, s'inspirait de votre propre vie, je me demandais dans quelle mesure cette histoire intime et minimaliste sur la difficile communication entre un père et son fils a aussi quelque chose de personnel.  
Peter Hoogendoorn:
Between 10 and 12 se référait à la mort de ma sœur dans un accident de voiture et à l’annonce du terrible événement aux proches. Mon travail est souvent décrit comme autobiographique, mais je trouve cette définition réductrice. Si les événements dépeints s'inspirent en effet de choses que j'ai vécues, c’est plus la perception que j’en ai eue qui est représentée. Je voulais rendre tout cela universel, donc j’ai modifié de nombreux détails. Three Days of Fish s'inspire aussi du mariage de mon père avec ma belle-mère cap-verdienne. Ils vivent au Portugal depuis un moment pour des raisons de santé, en particulier sa condition pulmonaire à lui, qui est aussi un des éléments clés de l’intrigue du film. Quand j’ai terminé mes études de cinéma, mon père était aux Pays-Bas pour une semaine, pour des raisons pratiques. Cette situation m’a inspiré l'idée d’un road movie, pas avec de beaux paysages mais avec des événements ordinaires. Notre intention était de passer trois jours ensemble qui nous rapprocheraient, mais je demandais à chaque instant si je ne devrais pas en faire un film. En développant le scénario au TorinoFilmLab, je me suis rendu compte que le cœur du film était la condition humaine : comment nous interagissons avec les êtres chers et les attentes que nous avons par rapport à eux.

Comment avez-vous abordé le profil psychologique des personnages ?
Le père comme le fils partent avec de bonnes intentions mais se retrouvent déçus. Ceci reflète mes propres peurs, particulièrement après avoir perdu ma mère et ma sœur. La conscience constante que notre temps ensemble n’est pas garanti ajoute la pression de bien se comporter, ce qui conduit souvent à de la frustration et une relation conflictuelle. Les différences entre les générations joue aussi un rôle : ils s'aiment, mais ils ont du mal à l’exprimer. Cette tension et l’absence d’une figure maternelle sont des éléments psychologiques clés dans le film. L’immaturité du fils et son grand besoin d’attention vient de la perte de sa mère et de la nature pragmatique, émotionnellement distante, de son père. Cette dynamique est soulignée dans la scène où l’oubli du fils, qui n'a pas renouvelé la concession funéraire de la mère, fait que la mère n'a plus de tombe, ce qui symbolise son sentiment de deuil et de culpabilité permanent. La réaction pragmatique du père, qui donne ses dents au fils à l’église, montrent combien leurs approches sont différentes s'agissant d'aborder le deuil et la mémoire.

Vous cassez ici le stéréotype du Nord-Européen heureux et riche : le fils d’âge moyen est trop démotivé pour faire quoi que ce soit de sa vie, et le père a fui vers le plus modeste sud, apparemment pour de bon.
Comme je vis à Amsterdam, je vois beaucoup de gens malheureux malgré l’image que donne la ville d'offrir d'excellentes conditions de vie. En général, c'est dans les grandes villes que les gens sont le plus malheureux. C’est particulièrement difficile, de nos jours, pour ceux qui travaillent dans la création. Je vis dans une petite maison avec une femme qui en est la propriétaire, sinon je ne pourrais pas faire le travail que je fais. Il faudrait que je réalise des pubs ou des séries, mais je ne veux pas. L'incertitude liée au financement des films et le coût élevé de la vie rend très difficile d’entreprendre une carrière dans la création.

Combien de temps vous a-t-il fallu pour faire ce film ?
Environ cinq ans. Pas en travaillant dessus tous les jours, mais en y revenant régulièrement pour affiner l’histoire. La phase de développement a pris du temps parce que je voulais m’assurer que tout soit parfait, du scénario au casting. Trouver les bons acteurs étaient capital, puisque le film s’appuie lourdement sur leur interprétation. Mon producteur a bien géré le processus de financement, mais le développement créatif a pris du temps pour vraiment avoir la bonne combinaison. Il fallait des personnages auquel le spectateur puisse rapporter, et que l'amour qu'ils ont l’un pour l’autre soit évident malgré leurs défauts était un point particulièrement difficile.

La ville de Rotterdam, où se passe le film, a une allure beaucoup plus contemporaine que ce qu'on voit ici. Pourquoi avez-vous choisi de situer votre histoire dans ses quartiers les plus anciens ?
Rotterdam a une signification particulière pour moi. Beaucoup de scènes ont été tournées dans des lieux de mon enfance, comme la maison de ma grand-mère, qui apparaît dans le film exactement telle qu'elle était quand j’avais trois ans. Cette authenticité a ajouté de la profondeur au récit. Ce décor n’était pas juste une toile de fond, mais un personnage en lui-même, reflétant les moments ordinaires mais émouvants de la vie. Il parle aussi beaucoup du passé, des souvenirs.

(Traduit de l'anglais)

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