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LOCARNO 2023 Compétition

Critique : Manga D’Terra

par 

- Le réalisateur suisse portugais Basil Da Cunha enquête de nouveau sur la réalité complexe du quartier de Reboleira, et cette fois ce sont les femmes qui ont la parole

Critique : Manga D’Terra
Eliana Rosa dans Manga D’Terra

Basil Da Cunha est de retour à Locarno, en compétition internationale, où il avait présenté en 2019 son deuxième long-métrage, O Fim do Mundo [+lire aussi :
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, avec un troisième film poétique et puissant qui rend hommage aux femmes de la banlieue de Reboleira, où vit une communauté créole vaste et unie. Manga D’Terra [+lire aussi :
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est une comédie musicale qui n’en a vraiment pas l’aspect (la musique a été confiée à Eliana Rosa, Henrique Silva et Luis Firmino, et Adrien Kessler s'est chargé du design sonore, du montage sonore et du mixage), une ode au pouvoir thérapeutique de la musique qui déchaîne des émotions impossible à contenir.

L'héroïne du film, Rosa (interprétée par l'excellente Eliana Rosa), est une jeune fille de 20 ans qui a quitté sa terre natale, le Cap-Vert, depuis deux mois pour s'installer à Lisbonne dans l’objectif d'offrir à ses enfants, restés à la maison avec sa maman à elle, un plus bel avenir. La réalité quotidienne de Rosa est hélas tout sauf rose. Au-delà de son travail d'employée "à tout faire" au service de la gérante despotique (interprétée par la charismatique Nunha Gomes) d'un petit restaurant du quartier de Reboleira où elle s’est établie, comme beaucoup d’autres migrants créoles, elle ne s'accorde pas beaucoup de temps pour elle. Et puis soudain, sans le moindre préavis, elle perd son travail ainsi que son logement de fortune et se retrouve seule, sans endroit où dormir ni argent pour survivre, notre héroïne est confrontée à une réalité difficile faite de molestations machistes lourdes et de rafles policières où personne ne voudrait jamais être impliqué.

Seule avec ses deux valises, Rosa n’a plus rien, sauf une voix merveilleuse qui lui permet de s’évader en esprit, loin, jusqu’au Cap-Vert. Dans son parcours sans but dans les rues de Reboleira, elle peut cependant compter sur le soutien des femmes du quartier qui par un geste doux, une étreinte ou un conseil, lui permettent de continuer à avancer la tête haute.

Ce que Manga D’Terra met en scène, c’est le cœur, cette fois féminin, d’un quartier plein de contradictions et de nuances que le réalisateur connaît bien et aime profondément. Manga D’Terra, film choral, et pas seulement d’un point de vue esthétique, existe aussi grâce à la générosité des gens qui vivent réellement à Reboleira et se sont unis, en offrant le peu qu'ils avaient, pour donner vie à une extraordinaire comédie musicale sur le ghetto (une véritable rareté !). Il s’agit d’un film qui se nourrit, littéralement, et toujours avec beaucoup de respect, des vies des personnes que le réalisateur rencontre et qui vivent dans leur chair la difficulté d'exister quand on vit dans la banlieue d'une ville de carte postale comme Lisbonne.

Sans chercher à tout prix à faire un film optimiste qui permette aux spectateurs de rêver, de se convaincre qu'"à la fin, ils vécurent heureux", Basil da Cunha préfère donner une visibilité aux nombreuses femmes "ordinaires" qui habitent Reboleira, à leur force, à leur résilience et à ce feu qui, grâce à la musique, ne cesse jamais de brûler en elles. Peut-être Rosa ne sera-t-elle jamais reconnue au-delà de son quartier, mais ce qu'elle dit, c'est que quand elle chante, elle est vraiment elle-même.

En donnant la parole à Rosa et ses compagnes d'aventure, en montrant quelle force il faut pour ne pas perdre espoir, Basil Da Cunha retranscrit l'âme d'un quartier qui est en train de disparaître.

Manga D’Terra a été produit par Akka Films et la RTS Radio Télévision Suisse, en coproduction avec Continue Walking.

(Traduit de l'italien)

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