23/10/2024 - Rencontre avec le producteur de la société française La Luna Productions qui évoque le projet du réalisateur tunisien Lotfi Achour

Fondateur et pilote de la société française La Luna Productions, Sébastien Hussenot est présent 46e Festival du Cinéma Méditerranéen de Montpellier où elle pitche à la Bourse d’aide au développement des Cinemed Meetings (lire le report) le projet La femme assise dans le couloir (The Woman Sitting in the Corridor) de Lotfi Achour.

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critique
fiche film] (dévoilé à Locarno Cineasti del presente, Bayard d’Or du meilleur film et de la photographie à Namur, prix de la mise en scène et prix du public à Saint-Jean-de-Luz), vous poursuivez votre collaboration avec Lofti Achour. Qu’est-ce qui vous plait chez ce réalisateur ?
Sébastien Hussenot : Nous travaillons ensemble depuis notre rencontre en 2011. La Luna a commencé par distribuer l’un de ses premiers courts, puis nous en avons coproduit un autre, La laine sur le dos, qui a été sélectionné en compétition officielle à Cannes en 2016. Avec sa société tunisienne Artistes Producteurs Associés, nous avons tissé une collaboration à long terme. Lotfi Achour est un cinéaste qui a eu tout un parcours à succès au théâtre avec une approche inventive, pluridisciplinaire, jouant sur les aspects visuels et audio, explorant beaucoup de moyens qui étaient proches du cinéma. J’ai été séduit par ses propositions narratives avec des systèmes d’écriture bien huilés qui jouent sur plusieurs registres ayant toujours un rapport au politique, ce qui m’intéresse. Mais ce n’est démonstratif, ni du militantisme, plutôt des récits qui racontent des choses fortes et assez percutantes sur la société, notamment en Tunisie, mais qui réussissent aussi à dépasser leur contexte. Son nouveau projet, La femme assise dans le couloir s’inscrit dans cette veine et Lotfi poursuit sa collaboration à l’écriture avec une équipe de scénaristes très soudée, incluant notamment Natacha de Pontcharra et Doria Achour.

Quel est le sujet de La femme assise dans le couloir ?
Il s’inscrit dans la lignée d’un travail que Lotfi a mené il y a quelques années en suivant des audiences de justice transitionnelle, un processus judiciaire mis en place afin de réparer et de révéler les cas de torture, les disparitions, les meurtres qui se sont déroulés en Tunisie à l’époque de la dictature de Ben Ali. Ce travail de documentation, de suivi, d’archivage et de filmage a donné lieu à un documentaire commandé par une ONG et nous en avons aussi tiré le court métrage Angle mort. Nous développons aussi sur le sujet un projet de série animé et donc le long métrage La femme assise dans le couloir qui est l’une des multiples histoires et faits réels qui se sont déroulés à l’époque. L’intrigue est centrée sur une jeune femme d’origine tunisienne ayant grandi avec sa mère en Allemagne et qui découvre, à travers les révélations de la justice transitionnelle, la vérité sur son histoire familiale et sur ce que sa mère a vécu pendant les années Ben Ali, notamment un traumatisme et une manipulation. Le récit s’articulera entre flashbacks et le temps contemporain.

Le projet en est à ses débuts, au stade d’un traitement qui est très bien avancé et bien construit. C’est la première fois que nous communiquons et que nous exposons ce projet, ici au Cinemed. Nous allons engager la première continuité dialoguée dans les mois à venir et nous espérons avoir un scénario au premier trimestre 2025. C’est de nouveau une coproduction déléguée entre La Luna et Artistes Producteurs Associés, mais comme nous avons une certaine ambition internationale et comme nous l’avons fait pour Les enfants rouges (qui a associé la société belge Versus et la société polonaise ShipsBoy), nous envisageons un schéma de coproduction un peu identique à quatre pays afin d’avoir une qualification européenne car le financement en Tunisie reste limité. Lotfi aurait également pu situer le côté européen de l’intrigue en France, mais cela aurait été un peu trop attendu dans le rapport historique entre la Tunisie et la France, donc il a cherché le décalage et pensé à l’Allemagne qui est par conséquent l’une des pistes de coproduction que nous souhaitons suivre.

Quelle est la ligne éditoriale de la Lune Productions ?
Nous avons produit près de 90 couts métrages car il y a tout un travail de recherche de jeunes talents afin de les révéler au moment où ils sont en train de se construire, qui nous plait beaucoup. C’est notamment le cas du réalisateur ghanéen Amartei Armar dont nous avons coproduit le court Tsutsué (en compétition officielle à Cannes en 2022) et que nous accompagnons dans le développement de son premier long : Vagabonds (en coproduction avec AKA Entertainment). C’est la même chose avec le cinéaste azerbaïdjanais Azer Guliev, dont nous avons produit le court métrage Sanki Yoxsan (en compétition officielle cette année à Cannes) et dont nous développons le projet de premier long The Metallic Sky of Saturn. L’idée est d’accompagner vers le premier long et d’établir ensuite, comme avec Lotfi Achour, une continuité dans le travail. Nous sommes beaucoup sur du cinéma international, mais nous avons aussi tout un pan de développement avec des auteurs français, avec des projets plus axés sur des recherches de genre et d’ouverture potentielle au marché international. Parmi les projets, on peut mentionner le long métrage d’animation Lucky Seven de Louis-J Gore (co-écrit avec Ken Higelin) et Si mon coeur en vaut la peine de Oriane Bonduel (co-écrit avec Katell Guillou).