SAN SEBASTIAN 2024 Compétition
Pilar Palomero • Réalisatrice de Los destellos
“La proximité d'une mort nous positionne ailleurs dans notre propre vie”
par Alfonso Rivera
- La cinéaste espagnole parle dans son troisième film de l'accompagnement dans la maladie et de la manière dont elle a rattaché le récit d'Eider Rodriguez dont elle s'est inspirée à son terrain de connaissance personnel
Pilar Palomero a décroché cinq Goya (dont celui du meilleur film) avec Las niñas [+lire aussi :
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interview : Pilar Palomero
fiche film], son premier long-métrage, qui avant cela avait fait sa première à la Berlinale. Deux ans plus tard, La maternal [+lire aussi :
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interview : Pilar Palomero
fiche film] a été présenté au Festival de San Sebastian, où il a valu le prix de la meilleure interprétation à sa comédienne, Carla Quílez. La réalisatrice espagnole est à présent de retour au festival basque avec Los destellos [+lire aussi :
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interview : Pilar Palomero
fiche film], adapté de la nouvelle Un corazón demasiado grande d'Eider Rodríguez, avec laquelle Palomero s'est senti des affinités particulières.
Cineuropa: Comment êtes-vous entrée dans ce projet ?
Pilar Palomero : Le producteur Fernando Bovaira (MOD Producciones) m’a contactée pour réaliser l’adaptation du récit. Je ne l’avais pas lu, et je connaissais pas l’œuvre d’Eider, mais quand j’ai lu ce récit, je suis devenue une inconditionnelle. J'ai adoré la nouvelle, elle me parlait énormément. J’ai donc dit à Fernando que je ne voulais pas faire un film de commande, mais amener le récit sur mon terrain. Et c’est ce qu’il a voulu aussi. Nous avons entamé une collaboration très étroite : il a participé à toutes les étapes et m’a beaucoup accompagnée. De même que la productrice Valérie Delpierre, avec laquelle j’ai une grande relation de confiance, mais c'est Bovaira qui a ici porté le poids de la production artistique. C’est lui qui a d'abord reçu ce récit et qui voulait en faire film, une pièce de chambre, quelque chose d’intime, car le texte l'avait beaucoup touché. S'il ne m’avait pas fascinée moi aussi, je n'aurais pas rejoint le projet.
Dans quel sens la nouvelle vous a-t-elle parlé ? Y avez-vous reconnu des choses que vous avez vécues aussi ?
Quand je l’ai lu, j’ai été fascinée par la manière dont il est écrit, avec quatre personnages qui sont des contradictions ambulantes. Et la situation qu'il imagine, face à laquelle on se demande : "Que ferais-je, moi, si ma fille me demandait cette faveur et que je devais retrouver quelqu’un qui faisait autrefois partie de ma famille, mais qui est à présent devenu un inconnu ?".
Alors que vous n'avez pas du tout envie de le faire.
En plus, ça vous oblige à vous aventurer dans une zone compliquée. Faire cette adaptation m'a permis, avant toute chose, de réfléchir à des sujets qui m’obsèdent depuis toujours, comme le passage du temps, les traces que nous laissons ou qu'on laisse sur nous, et, surtout, le fait que la proximité d'une mort nous positionne différemment dans nos propres vies. Ce sujet en particulier est lié à des choses que j’ai vécues. J’ai introduit dans cette adaptation des éléments que j’ai ressentis et vécus – je l'ai d'ailleurs tournée dans le village où vit ma famille, et écrit le scénario en m'inspirant de lieux que je connais bien. Il m'a semblé important d’amener le récit dans un lieu familier pour moi et de transmettre des choses que j’ai ressenties.
Pendant l’écriture, j’ai eu deux références importantes. Fernando Bovaira m’a fait découvrir le documentaire Los demás días [+lire aussi :
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interview : Carlos Agulló
fiche film] de Carlos Agulló, sur les soins palliatifs. L’équipe qu'on voit dans le film est également dans le mien. À partir de là, j’ai discuté du sujet, et des points sur lesquels je voulais réfléchir, avec Pablo Iglesias, le médecin qui apparaît dans Los destellos : les soins palliatifs sont là pour donner la meilleure vie possible au patient, jusqu’à ce qu'arrive le moment du décès. L’idée était d'essayer de faire un film où l'on sent plus la vie que la mort, qu'il fasse office, pour le public, d'invitation à se souvenir que nous n'avons que le présent et c'est tout. Plus tard, un article de Maribel Andrés Llamero intitulé "Conservaos buenos" est paru, alors que j'étais en train d'éditer le scénario. D'un coup, il paraît, je le lis, et je me dis : "Ça, ça a été écrit pour le projet". L'article, qui parle de la mort de son père, est une très belle manière d’expliquer comment il dit adieu à la vie et de souligner que ce qui l'affecte le plus, pendant ces adieux, c'est de savoir qu’il ne va plus pouvoir profiter de la beauté et de l'art. Tous ces éléments m'ont donné l'élan de faire Los destellos, en plus de ma propre expérience de la mort de mon père.
On trouve dans vos trois films des relations mère-fille.
Ce n'est pas intentionnel et c’est même curieux, parce que j’ai d'excellents rapports avec ma mère. C’est quelque chose qui m’intéresse et que je mets là sans m'en rendre compte – du reste, dans le film que je suis en train de préparer, il y a aussi une relation mère-fille. C'est que c'est un type de relation tout à fait particulier, où il y a beaucoup d’amour si tout va bien, mais aussi des conflits et des contradictions.
(Traduit de l'espagnol)
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