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Après l'éternité

Alfred Elton VAN VOGT

Titre original : The Far-Out Worlds of A. E. van Vogt, 1968
Première parution : États-Unis, New York : Ace Books, octobre 1968   ISFDB
Traduction de Gisèle BERNIER
Illustration de (non mentionné)

MARABOUT - GÉRARD , coll. Bibliothèque Marabout - Science fiction précédent dans la collection n° 403 suivant dans la collection
Dépôt légal : 1972
Recueil de nouvelles, 256 pages, catégorie / prix : 2
ISBN : néant
Format : 11,5 x 18,0 cm
Genre : Science-Fiction

On trouve mention de l'année (1972) en page 246. ATTENTION : catégorie prix 2 étoiles (en 4ème de couverture), il existe une version avec une catégorie prix à 3 étoiles qui est postérieure.


Quatrième de couverture
Alfred E. Van Vogt est sans conteste l'écrivain le plus imaginatif de la littérature de science-fiction. Les neuf nouvelles présentées ici suffiraient du reste à convaincre les plus sceptiques, tant elles montrent, dans leur variété, les dons narratifs de l'auteur. Outre quelques textes fameux, ce volume contient plusieurs inédits à travers lesquels nous sont proposées des hypothèses de prime abord invraisemblables mais qui, à l'analyse, révèlent de féroces propriétés, et dont l'actualité et l'ampleur ne manqueront pas de nous surprendre. Avec A.E. Van Vogt, la science-fiction est une « mise à l'épreuve »...
Sommaire
Afficher les différentes éditions des textes
1 - L'Ultra-terrestre (The Ultra Man, 1966), pages 7 à 40, nouvelle, trad. Gisèle BERNIER
2 - Le Vaisseau des ténèbres (Ship of Darkness, 1948), pages 41 à 65, nouvelle, trad. Gisèle BERNIER
3 - Processus (Process, 1950), pages 67 à 77, nouvelle, trad. Gisèle BERNIER
4 - Le Mobile (The Purpose, 1945), pages 79 à 136, nouvelle, trad. Gisèle BERNIER
5 - Supra-Cattus (The Cataaaaa, 1947), pages 137 à 158, nouvelle, trad. Gisèle BERNIER
6 - Les Indestructibles (The Replicators, 1965), pages 159 à 191, nouvelle, trad. Gisèle BERNIER
7 - Le Premier Martien (The First Martian / This Joe, 1969), pages 193 à 216, nouvelle, trad. Gisèle BERNIER
8 - Sézigue (Itself!, 1962), pages 217 à 223, nouvelle, trad. Gisèle BERNIER
9 - Ni commencement, ni fin (Not the First, 1941), pages 225 à 246, nouvelle, trad. Gisèle BERNIER
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition MARABOUT - GÉRARD, Bibliothèque Marabout - Science fiction (1972)

Les amateurs de van Vogt sont gâtés : après J’ai Lu, Marabout se met de la partie ! Quant à ceux pour qui Après l’éternité serait le premier contact (ou un des premiers) avec la « démence rationalisée » dont parlait Mark Starr (Fiction n° 34), disons-leur tout de suite que, s’ils ne comprennent pas, ce n’est peut-être pas entièrement la faute de l’auteur, et que la traductrice y est sans doute pour beaucoup : à commencer par le titre, qui est purement de Gisèle Bernier (« Les mondes lointains » lui ayant sans doute paru trop banal pour The far-out worlds) et qui ne correspond à l’esprit d’aucune des neuf nouvelles ici réunies (dans la dernière, notamment, la « farce cosmique » est précisément qu’il n’y a rien au-delà d’une éternité dérisoire). Glissant sur les maladresses grossières (« différemment que », page 100 ; « on injectera une légère potion de somnifère », page 26), je conseillerais au lecteur de se munir d’un dictionnaire anglais-français et de chercher les mots anglais se rapprochant des mots français suspects : il verra alors que par « complexion » (page 201) il faut entendre teint, par « regard suspicieux » (page 219) regard méfiant, par « je suis supposé tout savoir » (page), je suis censé tout savoir, par des lettres « délivrées » (page 143) du courrier distribué, par « taïcoun » (page 91) magnat ou nabab, dans « le métal en apparence solide » et « traverser un mur en apparence solide » (pp. 72 et 95), il ne s’agit pas de minimiser l’exploit en laissant entendre que l’obstacle était en réalité fragile, facile à briser, mais d’évoquer la structure atomique de la matière sous son apparence massive ; en lisant que D’Ormand « rampa » vers la femme (page 53) et que Virginia était « prosternée » devant son époux (page 108), on pourrait songer que les relations amoureuses chez van Vogt sentent fortement la névrose, si l’on ne comprend qu’il faut traduire par se glissa (« crept ») et prostrée ; il faut aussi savoir que pour Gisèle Bernier, « fixer » remplace systématiquement « regarder », ce qui renverse les rôles entre oiseau et serpent hypnotiseur (page 131) et donne une piètre idée du fixateur employé pour des mots qui « commencèrent à s’effacer »… à l’instant même où on les « fixa » (page 144) ! La traductrice (?) semble surtout brouillée avec les abréviations anglaises : « A.D. », c’est après Jésus-Christ, et « une soudaine accumulation d’énergie ESP ou PSI », c’est ce que Michel Deutsch traduisait par de remarquables facultés de perception extrasensorielle ou parapsychologique (Galaxie nouvelle série n° 36). Second conseil donc : se reporter à cette bonne traduction, ainsi qu’a celle de Ship of darkness par le même dans Fiction spécial 13, si l’on veut par exemple comprendre d’emblée que D’Ormand perçoit des messages télépathiques et non « une étrange confusion d’idées » (page 50) ; la traduction de Process par Richard Chomet, sous le titre de Bucolique (Fiction 34) ne présente malheureusement pas les mêmes qualités, et des six autres nouvelles, je n’ai pas trouvé d’autre traduction en français, ce qui est dommage, car c’est une bien sombre clarté qui y tombe de l’étoile de la maison Gérard… alors que la pensée de van Vogt n’est déjà pas tellement aisée à suivre en elle-même !

En effet, si dans mon compte rendu de L’empire de l’atome et du Sorcier de Linn j’avais déploré du simplisme, c’est plutôt cette fois de la complexité d’idées ramassées en quelques pages que le lecteur risque de pâtir. S’il est consciencieux et bien persuadé du génie de van Vogt, il cherchera à comprendre ce qui n’est pas explicite ; s’il n’y parvient pas, il jettera le livre en se disant que si van Vogt n’a pas dit les choses, c’est qu’il n’en savait rien lui-même, et qu’il s’agit d’un faiseur à la réputation surfaite. Par exemple, l’« Ultra-Terrestre » (bien mal nommé, car il s’agit d’un homme dont le voyage Terre-Lune a développé temporairement l’intuition psychologique et auquel il a même donné la faculté d’agir sur les faisceaux de l’esprit des autres) doit détourner une invasion extraterrestre en influençant les milliers de membres de l’équipage du croiseur de reconnaissance : « Il doit probablement exister un petit groupe d’ondes décisives qu’il faudrait couper… Quel est donc le plus petit dénominateur commun pour autant d’unités ? » Van Vogt ajoute simplement : « Carr le renseigna »… mais ne nous renseigne pas, nous ! A-t-il simplement effacé du cerveau des envahisseurs, comme il est dit un peu plus loin, « toutes les ondes qui le reliaient à la Terre et à la Lune » (page 40) ? En ce cas, il y a bel et bien fausse profondeur ! Mais alors, à quoi rime tout le long affrontement entre le psychologue américain et le psychiatre russe, qui fait passer l’intérêt national et idéologique avant toute considération humaine parce que « le manquement à cette ligne de conduite signifiait qu’il aurait à comparaître devant une assemblée, à faire son autocritique » (page 27), mais qui collabore lâchement avec l’extraterrestre pour sauver sa vie, puis s’écroule en hurlant parce que Carr a détruit les barrières mentales qui le protégeaient du souvenir culpabilisant de Natacha engrossée puis abandonnée ? Si ce n’est une profession de foi politique gratuite, n’est-ce pas une première ébauche de la solution du problème principal ? Les envahisseurs, qui ne s’émeuvent guère de la destruction de leur espion, n’y voyant apparemment qu’un pion vainement sacrifié, ne sont-ils pas, du capitaine au moussaillon, soumis à la même discipline à base de chantage que les bolcheviques tels que les voit notre Canadien de Los Angeles ? Et ce faisceau à trancher pour qu’ils n’aient plus envie de venir se frotter aux défenses terrestres, ne serait-ce pas le « centralisme démocratique » ?!

Autre exemple d’obscurité délibérée : dans Sézigue, lorsqu’une patrouille navale monte à bord du vaisseau extraterrestre qui a affronté un robot anti-sous-marin, un des « monstres électroniques programmés pour être méfiants, coléreux et obsédés par l’idée qu’une partie de l’océan leur appartenait », et qu’elle trouve tous les envahisseurs « morts depuis plus d’un mois, suite à une commotion », pourquoi cet air entendu pour nous dire : « Elle sut exactement ce qui s’était produit » s’ils ont tout simplement été victimes de l’explosion de Sézigue contre qui ils avaient retourné ses propres armes ? Et dans Les indestructibles (encore un équivalent bien infidèle pour The replicators), si la personnalité de Steve Matlin est bien campée, et si ses réactions (ou plutôt son absence de réactions) au lâchage de sa femme, au mépris de ses amis et au coup de poing de Graham sont bien expliquées par son conditionnement de « Marine » (pp. 188-189) qui n’attend rien des autres, goûte leur compagnie à l’occasion mais ne compte que sur lui-même, en revanche l’idée que la créature étrangère, arrivée dans un état de complète réceptivité, « s’était imprégnée de la personnalité de Matlin », premier Terrien rencontré, ne rend pas nettement compte de tout ce qu’elle fait : Matlin pense que « nous devrions effacer la race humaine de la face du globe » (page 184), alors que le seul qu’elle cherche à tuer est Matlin, ce pour quoi il faut qu’elle soit restée assez libre de lui ; finalement elle est libérée de son emprise au moment précis où Matlin endosse l’uniforme, idée qui relève moins de la logique que de l’humour.

Heureusement, il y en a quelques-uns dans le recueil, de ces clins d’œil qui permettent de se reposer en toute bonne conscience des efforts de com préhension. C’est le cas dans Supra-Cattus, où van Vogt sourit et fait sourire du cynisme faussement supérieur des piliers de bar, de la candeur du narrateur qui perd son beau poste puis son temps à essayer de faire admettre la vérité de son aventure, de la puérilité de l’élue de son cœur qui se met à admirer le professeur de biologie qu’il est lorsqu’elle le voit copiner avec un montreur de bêtes curieuses célèbre, de la fatuité enfin de ce dernier qui ne comprend qu’il est l’instrument de son super-chat que lorsqu’il se retrouve à son tour en cage ; le tout accompagné d’un petit paradoxe temporel désinvolte et guilleret. C’est le cas aussi dans Processus (alias Bucolique), où van Vogt sourit et fait sourire non seulement de la naïveté de cette pauvre forêt pensante qui croit se débarrasser des intrus terrestres en les effrayant, alors qu’elle leur fournit précisément ce qu’ils sont venus chercher ; mais aussi – pour une fois ! – de son propre camp : car cette forêt qui se sert de l’arme terrible qu’elle vient de découvrir pour en ravager une autre et prendre sa place, mais ensuite, lorsqu’elle se rue à l’assaut d’une troisième, s’aperçoit que son secret a transpiré et qu’on lui rend la monnaie de sa pièce, n’est-ce pas un tout petit peu l’Amérique ?

Veine satirique donc : dans Le mobile, satire de l’Amérique des gangs, qui ont dans leur poche tous les gens qui comptent, grâce à un trafic qui n’est plus celui de l’alcool mais celui des organes du corps ; mais le complot est déjoué par un couple d’Américains moyens, lui professeur et elle journaliste, dont les qualités physiques et morales sont le fond de la race. Amérique du racisme aussi, dans Le premier Martien : mais si l’anti-héros (« villain ») est le Frank qui refuse de reconnaître la supériorité des Indiens des Andes pour vivre dans l’air raréfié de Mars, et ne recule pour l’empêcher de s’avérer ni devant la fraude ni devant le crime, le raisonneur est le Wade qui admet cette supériorité mais y voit une grave menace pour sa race, qui risque d’être spoliée de son pouvoir et même de ses possessions sur une planète devenue rouge à un second, voire à un troisième, sens du mot, et le héros, Bill, s’emploie en conclusion, honnêtement mais avec acharnement, à ce que les Américains blancs ne perdent pas cette course à Mars. Non, van Vogt ne risque toujours rien de la Commission des Activités Antiaméricaines !

Mais si ses audaces sont très calculées dans le domaine politique, il n’en va pas de même dans celui de l’imagination. Cette dernière explose à la moindre étincelle, fournie tantôt par les sciences et les techniques les plus diverses – psychologie dans The ultra man, greffes d’organes dans The purpose, astronautique et formule de Langevin et autres Lorentz-Fitzgerald dans Not the first – tantôt par l’expérience personnelle (n’avez-vous jamais senti, vous, la charge électrique des êtres qui vous entourent ?) ou même par le rêve (ce n’est sans doute pas pour rien que le héros du Vaisseau des ténèbres s’appelle D’Ormand ; mais quel psychanalyste étudiera sa présence, habillé parmi des hommes et des femmes nus, sa promenade à côté d’un homme nu, la venue d’une femme habillée mais nu-pieds pour un contact électrique et spirituel mais non sensuel, le baiser défendu qui l’effarouche, puis l’étreinte qu’elle recherche, une fois seule avec lui, à l’exclusion désormais de la communion avec la force vitale universelle ?).

Cette explosion de l’imagination projette le capitaine van Vogt et ses passagers plus ou moins loin : non pas tellement dans l’espace, d’ailleurs, car il ne nous propose pas ici de visite à des êtres vivant hors du système solaire (à part dans Ship of darkness et Process, dont nous avons vu qu’ils sont respectivement un rêve et une parabole) : le super-chat ne révèle-t-il pas d’ailleurs au narrateur qu’il s’avéra impossible de « créer un vaisseau spatial alimenté par l’énergie atomique », et son affirmation qu’« une explosion atomique ne peut être enfermée » n’est-elle pas confirmée par l’échec de l’équipage de Not the first à réaliser de petits bonds supra-luminiques successifs d’un millier d’années-lumière (page 238) ? L’escale la plus lointaine est sur Mars, et avec The first martian nous avons une reconstitution technologique et sociologique réaliste qui pourrait être signée Arthur C. Clarke. Le van Vogt spécifique est ailleurs : coups de sonde extrêmement (excessivement ?) audacieux dans l’énergie mentale – c’est elle qui transporte Virginia Mention d’un bout à l’autre d’un continent comme Supra-Cattus d’un bout à l’autre de la galaxie, et « tôt ou tard les êtres humains feront les découvertes initiales sur l’utilisation rythmique de l’énergie » (page 153) – ; coups de sonde dans la structure de l’univers par-delà le temps et l’espace : il y a au moins deux exemples de structure en ∞ symbole mathématique de l’infini, dans laquelle sont pris, dans Not the first, Harcourt et son équipage (condamnés à refaire sans cesse dans un sens puis dans l’autre le parcours spatio-temporel entre leur franchissement de la vitesse de la lumière à leur ralentissement jusqu’à cette même vitesse), et, dans Ship of darkness, D’Ormand, Père de la race humaine en 37 000 avant J.-C., alors qu’il en est le Fils en 2975 de notre ère. (Mais la Mère vient d’ailleurs : d’où ? « Des hommes donc ? » se demande-t-on page 64.) Ou sinon, ces êtres mystérieux, flottant dans l’infini sur leur radeau mu par leur énergie spirituelle et cherchant à capter celle d’un autre radeau pour « se confondre avec l’énergie universelle », « faire corps avec la Grande Cause », sont-ce des anges ? Est-ce, sinon « après l’éternité », du moins dans l’éternité que van Vogt cherche à nous conduire, et la grande explosion est-elle en fin de compte religieuse ?)

Supra-Cattus, pourtant, lorsque le narrateur lui propose comme souvenir de la Terre la statue d’un homme en adoration parce que « l’homme est primitivement une créature croyante » (page 151 sq.), lui fait comprendre que « la religion est la mise en scène dramatisée de soi-même devant un dieu » (page 157) ; définition à rapprocher de celle que van Vogt donne dans Le livre de Ptath : « La religion, c’est l’étincelle qui faillit lorsque l’individu est saisi par la peur de la mort ou du danger ». « La religion, c’est la peur », « la religion, c’est le narcissisme » : deux définitions divergentes mais peut-être complémentaires, et qui méritent de rester dans la mémoire des hommes à côté de la fameuse définition de Marx, avec lequel, malgré qu’il en ait, van Vogt a au moins ce point commun d’avoir démasqué la déification de forces mentales (les empereurs du Livre de Ptath) ou naturelles (les « dieux de l’atome » de Linn).

Si donc il y a une religion van vogtienne, ce n’est pas le culte d’une divinité personnelle et transcendante, mais la prise de conscience de grandes forces cosmiques dépassant les concepts précis des hommes. Il en révèle dans ce livre quelques aperçus fulgurants : peut-on reprocher à la foudre de ne pas donner une vision aussi cohérente que la lampe électrique, que le voyant s’appelle Victor Hugo ou qu’il s’appelle van Vogt ?

George W. BARLOW
Première parution : 1/9/1972
Fiction 225
Mise en ligne le : 1/3/2019

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